Édito - « IL NOUS EST IMPOSSIBLE DE NOUS TAIRE ! »

2021 10 17 édito 17 octobre

« Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4, 20). C’est le thème de la semaine missionnaire mondiale qui s’ouvre ce 17 octobre. Et cette Parole nous parvient alors que Mr Jean-Marc SAUVE vient de remettre à nos évêques le rapport de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise), rapport qu’ils avaient eux-mêmes « commandé »

Dans leur message aux communautés chrétiennes, du 3 octobre dernier, les évêques avaient annoncé la couleur : « la publication du rapport va être une épreuve de vérité et un moment rude et grave. »

La vérité est là devant nos yeux. C’est une bombe, c’est un choc. Les chiffres, celui des victimes et celui des agresseurs, sont terrifiants. Il nous faut regarder cette réalité en face, et en mesurer toute la gravité. Il nous faut prendre conscience de l’ampleur d’un phénomène que l’Église n’a pas vu, n’a pas su ou voulu voir, laissant pendant trop longtemps les victimes avec leurs blessures et leurs traumatismes.

J’ai honte pour mon Église devant le nombre de victimes révélé. Que tant de vies d’enfants et de jeunes aient pu être abimées sans que rien en ait été repéré, dénoncé, accompagné, soigné, est proprement insupportable.

J’ai honte pour mon Église qui a laissé trop longtemps régner une « omerta » et installé un système qui entretenait le refus de voir, le refus d’entendre, la volonté de cacher ou de masquer les faits, la réticence à les dénoncer publiquement pour « sauver l’institution ».

Je suis blessé dans mon être d’homme et de prêtre parce que des frères dans le sacerdoce, des frères membres du « presbyterium » auquel j’appartiens, ont agressé, abimé, détruit la vie de tant d’hommes et de femmes. Ces actes blessent le prêtre que je suis. Ces actes m’atteignent dans mon ministère de prêtre. Quelle confiance peut-on faire à l’Église ? Quelle confiance peut-on faire au prêtre que je suis ?

Dans l’Église, les liens de confiance sont extrêmement importants. Et voilà qu’est ébranlée notre confiance dans les ministres ordonnés. C’est un appel à ne pas idéaliser ces ministres et les mettre sur un piédestal. Comme tous les humains, le prêtre est faillible. Il a ses défauts, ses blessures, ses vulnérabilités. Le ministre ordonné est d’abord un frère. Le présenter comme un « autre Christ » peut conduire à des dérives, si on sort le prêtre de la condition commune. Tout chrétien est une figure du Christ. Le prêtre est avant tout un frère, même s’il est aussi signe de la présence et de l’appel du Christ.

Ce rapport de la CIASE formule 45 recommandations qui constituent une mine de pistes pour l’Église et portent aussi bien sur la prévention, la réparation, la reconstruction des victimes, la remise à niveau du droit canonique que sur la gouvernance de l’Église et la formation des futurs prêtres. Ces recommandations ne sont pas conçues pour « tourner la page ». Elles ouvrent pour l’Église un immense chantier pour qu’elle « regagne » la confiance qu’elle a trahie ; pour qu’elle assure sa mission d’annoncer la bonne nouvelle de l’Évangile. L’Évangile, c’est notre joie. L’Évangile, c’est notre trésor, « ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile » (2 Co. 4,7).

Appuyons-nous sur le message fort de Jean-Marc SAUVE, au terme de son rapport sans concession : « Notre espérance ne peut pas et ne sera pas détruite. L’Église doit faire tout pour rétablir ce qui a été abimé et reconstruire ce qui a été brisé ». L’Esprit, qui a ressuscité Jésus d’entre les morts, n’abandonne pas son Église… « descendue aux enfers ». Il l’appelle à se convertir, à se renouveler en profondeur. Au milieu de ce scandale et au cœur de ce drame, nous croyons que quelque chose de neuf peut émerger.

René PENNETIER

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